CHAPITRE 7
Les cochongliers / Avril 2012
Ce matin, ciel gris arrière train de pluie, le haut des montagnes en face est pris dans la brume des nuages. Avec un peu de chance, le ciel s’éclaircira bientôt. J’ai trouvé dans une armoire un texte de G.Clément qui raconte un peu le paysage de la vallée de la Drobie. En Ardèche, dit l’ouvrage, un des grands problèmes vient de la surpopulation des sangliers ou plutôt de ce que l’on appelle aujourd’hui les cochongliers. L’animal issu du croisement entre le cochon d’élevage et le cochon sauvage, le sanglier, possède l’apparence du second mais les capacités de reproduction du premier, capacités trois fois supérieures à celle du sanglier. Ainsi la population grandit à toute vitesse et devient impossible à maitriser. Ce phénomène, jusque là répandu dans le sud de la France, tend aujourd’hui à s’étendre et à gagner le nord, par le biais des grands couverts forestiers à travers lequel cet animal nomade se déplace.
Quand on se promène dans la vallée on est surpris de voir une grande quantité de clôtures électriques, dont la particularité est qu’elles sont composées de deux fils mais dont la hauteur totale n’excède pas les 30 cm. Ces clôtures, on le comprendra à la lecture de cet ouvrage sont en fait mises en place pour préserver les espaces cultivés et les jardins des agressions de l’animal qui cherchant à se nourrir, dévaste tout sur son passage. Il est étonnant de voir qu’à cet endroit la clôture fonctionne à l’inverse de l’usage habituel : elle n’empêche pas l’animal d’élevage de s’échapper mais l’animal sauvage de pénétrer dans la zone cultivée. Et cet état des choses nous ramène étrangement à une époque où l’état sauvage du monde obligeait les hommes à se protéger des agressions extérieures. L’Ardèche, en ce lieu particulier qu’est la vallée de la Drobie est revenue à un moment où l’homme, face à la déprise agricole et à la recolonisation par le végétal et la forêt des espaces anthropisés, doit réoccuper le territoire par le biais de clairière, défrichant autour de lui de petits espaces qui lui suffisent à vivre. Le reste du territoire se ferme et la châtaigneraie s’enfriche.
Le sanglier, ravi de cette dynamique, y trouve lui un terrain de jeu et de vie immense, dans lequel il n’a aucun prédateur excepté les chasseurs qui au moyen des battues organise la mise à mort des animaux. La perversité de ce système est que la chasse avant d’être un moyen de régulation des populations animales est un jeu et un loisir, dont on ne saurait pas, semble-t-il, se passer. Et pour que le jeu et l’excitation perdurent, il faut que les proies durent également. Aussi la rumeur veut que ces chasseurs aient eux-même procédé au croisement donnant naissance au cochonglier. Et lorsque la population, excédée, réclame des battues avec lieutenants et rabatteurs on les accuse de réquisitionner certains d’entre eux pour éloigner une partie des animaux du champ de bataille s’assurant par là un renouvellement perpétuel du gibier.