CHAPITRE 8
Jalès / Avril 2012
Je cherchais sur la carte l’indication Jalès puisque c’était apparemment de cet endroit que revenait l’armée victorieuse de Charlemagne lorsque celui-ci perdit son épée. Elle y aurait battu les sarrasins. En cherchant un peu, on fini par trouver au sud de Joyeuse, non loin de Berrias et Casteljau, sur la route qui va vers St Paul le Jeune, un endroit qui se nomme la Croisée de Jalès. Sur place ce lieu correspond en effet à un carrefour routier à proximité duquel s’est installé une cave coopérative. Sur la gauche, un des panneaux indique la direction de la commanderie de Jalès. Emprunter cette route fait traverser une large plaine, aujourd’hui entièrement viticole, cernée au nord ouest par les Cévennes et les Monts d’Ardèche et à l’est par les reliefs qui composent les gorges. L’endroit, très ouvert et très vaste, semble en effet pouvoir se prêter assez bien aux batailles rangées de toute sortes, les ennemis pouvant à l’envie se défier de part et d’autre depuis les premières hauteurs qui bordent la plaine.
Je ne trouve pourtant nulle trace dans aucun texte de cette bataille, j’apprends en revanche qu’au village de Rosières, situé à côté de Joyeuse, on aurait trouvé de nombreux débris d’armures, fers de lances et piques. A l’endroit de ces découvertes, nommé Campus Regi, le champ du roi, se serait joué une importante bataille durant laquelle l’ennemi aurait été taillé en pièce. L’histoire et la chronologie voudraient que ce soit plutôt Charles Martel ou plus probablement encore Pépin le Bref, respectivement grand-père et père de Charlemagne qui eut à mener cette bataille contre les sarrasins.
Debout au milieu de cette plaine balayée par le vent, je pense à la légende dont il ne reste plus grand-chose de bien certain. Les rangées de vignes quadrillent l’espace. Unique présence humaine, un homme est penché sur la vigne dont il semble prendre soin, il ne lève pas les yeux. Un détail sur la carte vient pourtant appuyer mon histoire, le hameau situé à l’opposée d’où je me trouve sur l’un des premiers reliefs s’appelle la Sarrasine. Hommage aux vaincus.
La commanderie de Jalès est une grosse bâtisse de pierre au milieu de la plaine, autour et au sein de laquelle se sont agglomérés des gîtes et des maisons. Apparue bien plus tardivement dans l’histoire, elle fut fondée au XIIème siècle par les Templiers et servait de bâtiment agricole et de lieu de retraite aux chevaliers de l’ordre. Visitable pendant l’été on y trouve ce jour de printemps que des portes closes, des rosiers grimpants en fleurs devant l’entrée. La bâtisse, épaisse, est construite autour d’une cour centrale. Un cheval semble encore utiliser l’écurie, absent, les signes de sa présence demeurent, une odeur animale et chevaline règne puissamment sur l’endroit.
Le roi Philippe le Bel à propos duquel je citais plus haut le récit de son malaise au cours d’une chasse au sanglier, mourra quelques semaines plus tard, selon le roman, d’avoir persécuté ces Templiers. A l’instant de sa mort, commence réellement le récit des rois maudits. Jacques de Molay, dernier grand maître de l’ordre du temple, sur le bûcher assigne le roi, le Pape Clément et le Chevalier de Nogaret, son tortionnaire, à le rejoindre, ce que ne manqueront pas de faire les appelés.